Kevin Hecquefeuille : « Je suis très content de l’attitude des joueurs. »

Interview réalisée le samedi 22 octobre au lendemain de la victoire contre les Gothiques

Bonjour Kevin, on a choisi de revenir sur certains points spécifiques de ce début de saison. Comment as-tu vécu le forfait de Joshua Ess ?
C’est forcément une déception. C’est surtout le timing qui était très dérageant. Si le gars a des problèmes personnels et ne se sent pas de venir, il vaut mieux qu’il le ne vienne pas. Par contre, le timing nous a fait mal.  Sachant l’état du marché et la difficulté d’embaucher des joueurs non européens, ça nous pénalise beaucoup. D’un autre côté le marché européen est très compliqué pour nous avec notre budget. Moi, je continue à regarder ce qui se passe sur le marché. Ensuite, c’est une discussion que je dois continuer avec le président et le manager général. La situation actuelle ne peut pas durer jusqu’à la fin de la saison. On perd encore un défenseur (Nikita Shalei, NDLR) et on se retrouve à quatre défs. Ça devient plus que complexe. Le dépannage, ça marche un certain temps, mais pas sur la durée. C’est comme une roue de secours, tu essaies de la changer le plus vite possible. C’est un peu pareil. Il va être primordial de recruter un défenseur supplémentaire. Toto Germond fait du super boulot, travaille fort et Bryan en a fait de même. Cela étant dit, ce ne sont pas des défenseurs de métier et ce n’est pas simple pour eux.

En plus, tu ne les as pas en attaque du coup.
Tout à fait, ça nous enlève de la profondeur en attaque. Maintenant c’est comme ça, on ne se cherche pas d’excuses. Cela étant dit, il est important que le haut de notre hiérarchie comprenne ce besoin et y réponde. Ce qui est très dommage, c’est qu’on en est réduit à chercher en Europe, car on est incapable dans le Haut-Rhin d’obtenir un visa dans des délais raisonnables. Strasbourg arrive à faire régulariser des joueurs sur place, mais pas nous. C’est très dommage, car notre marché est clairement là-bas. Je reçois des offres très intéressantes de gars près à venir, mais je ne peux pas donner suite à cause des délais. Si le joueur sait qu’il lui faut attendre deux mois pour jouer, il ne vient pas.

A l’intersaison, tu nous avais dit qu’une de tes priorités était d’apporter plus de vitesse. Es-tu satisfait de tes joueurs dans ce domaine ?
Oui, je pense qu’on a une équipe de bons patineurs. Les deux plus anciens vont un peu moins vite, mais la majorité des gars est capable de mettre du tempo dans un match. C’est en plein dans l’identité que je voulais cette année. La priorité est de pouvoir jouer vite, propre et de bien ressortir les palets.

Vitesse, mais aussi intensité pour récupérer la rondelle et ressortir ?
Exactement, c’est ce qu’on essaie de travailler. Il reste encore beaucoup de boulot à ce niveau, surtout par rapport au respect des temps de jeu. Malheureusement, en France, il y a une grosse tendance à prolonger les shifts. Ça se voit beaucoup moins dans les grandes ligues où les temps sont très bien respectés autour de trente à trente-cinq secondes. En France, on a tendance à pousser à quarante, quarante-cinq secondes. C’est nuisible pour l’équipe et pour le joueur, car c’est impossible d’être à haute intensité sur une si longue durée. C’est une éducation à faire. Les joueurs ont du mal à l’accepter et à comprendre le bénéfice. Moi, j’ai besoin d’une vraie haute intensité qu’on ne peut tenir que vingt-cinq à trente secondes. Il y a trop de tricheries en France. Les efforts ne sont pas constants, surtout une fois le palet perdu. J’essaie de pousser dans ce sens, mais c’est compliqué quand les joueurs ont été habitués. Pour moi, c’est aussi un problème de respect pour tes coéquipiers qui au lieu de revenir sur la glace toutes les trente secondes, doivent attendre trois minutes. C’est très mauvais dans la rotation des lignes.

Sachant l’état du marché et la difficulté d’embaucher des joueurs non européens, ça nous pénalise beaucoup. D’un autre côté le marché européen est très compliqué pour nous avec notre budget. Moi, je continue à regarder ce qui se passe sur le marché.

Peux-tu t’appuyer sur ceux qui ont par exemple évoluer en KHL comme Andrey ?
Oui tu as raison, en KHL, l’intensité est si élevée qu’au bout de vingt-cinq secondes, tu es content de sortir. Pas de tricherie, un niveau d’exigence très haut. Il y a une telle compétitivité que si tu ne joues pas le jeu, tu disparais. C’est le problème de nos jeunes français qui souvent ont eu si peu d’adversité dans leur cursus depuis qu’ils sont jeunes. Ils ont pris beaucoup de mauvaises habitudes, difficiles à changer. A la perte du palet, il faut conserver la même intensité. Il faut répéter, répéter. J’essaie de responsabiliser les gars sur ces points.

Es-tu satisfait de ton choix de Capitaine ?
Oui, je suis satisfait d’avoir choisi Andrei. C’est un joueur très professionnel. Il donne tout ce qu’il a chaque match et chaque entraînement. C’est un excellent exemple pour nos jeunes en termes de travail. C’est moins un capitaine par la parole que par son exemplarité et sa manière de travailler.

Et au niveau communication avec les arbitres (en français) ?
En fait, de manière générale, la communication est très compliquée avec le corps arbitral. Moi, je dis à mes joueurs de se focaliser sur eux-mêmes, c’est déjà énorme. De toute façon, une fois qu’un arbitre a pris une décision, c’est inutile de discuter, elle ne changera pas. Je pense que sur une saison, les décisions s’équilibrent. Par contre ce qui est perturbant, c’est que d’un match à l’autre, il n’y a pas de ligne de conduite. Certains arbitres sifflent certaines choses, d’autres non. C’est compliqué pour les joueurs d’un soir à l’autre.

Au niveau des résultats, ton équipe a fait un excellent début de saison.
Oui, cela a créé une dynamique très positive. Ça nous a aussi tous confortés dans tout le travail accompli lors des trois semaines du camp d’entrainement. Le programme était lourd et on a été récompensé. Cela a amené de la confiance et de la joie dans le groupe.

La série s’est un peu inversée par la suite.
En fait, sur tout le début de saison, je suis très content de l’attitude des joueurs et de ce qu’ils démontrent. On doit continuer à travailler et progresser. C’est un groupe jeune. Au niveau comptable, on méritait beaucoup mieux à Anglet ou contre Gap. En fait, sur ces matchs entre autres et depuis le début de saison il y a un point noir : c’est le powerplay. Avec un pourcentage un peu plus haut, on aurait pris beaucoup plus de points. Cela devient de plus en plus important dans cette ligue, car les arbitres sifflent beaucoup. La performance des équipes spéciales est de plus en plus importante. On n’a pas encore trouvé la bonne alchimie en supériorité. Cela va devenir de plus en plus critique au fur et à mesure que la saison avance.

Justement, comment travaille-t-on ces situations ?
Il faut déjà que j’arrive à établir deux lignes que je puisse stabiliser. Je n’ai pas réussi à le faire depuis le début de la saison pour cause de blessures ou autres absences. Le travail collectif permettra de faire que les gars se trouvent bien, créent des espaces, des décalages. On n’a pas encore trouvé le bon rythme. C’est clair qu’on doit le travailler plus à l’entrainement. Ce n’est pas quelque chose qu’on a pu faire au camp d’entraînement, car il y avait beaucoup de choses à mettre en place au niveau de la structure de jeu. J’aurais voulu un camp d’au moins cinq à six semaines. Nous n’en avons eu que trois et du coup, il a fallu faire des choix, au risque de donner trop d’infos à mon équipe. Il ne faut pas que les gars réfléchissent trop à toutes les infos données, il faut avancer pas à pas. Ces prochains temps on va augmenter le temps d’entrainement sur ces phases. Je suis en train de réfléchir à la meilleure formule surtout avec le peu de profondeur que nous avons. Là, on a Philéas qui est blessé, Colin Delatour qui joue en U20 et D2 le week-end, Joachim qui continue ses études. On arrive le matin et au lieu d’avoir vingt joueurs, on en a quinze, donc uniquement trois lignes. Ça change complètement la gestion de l’entrainement. On parlait PP avant, si tu as déjà deux lignes donc dix joueurs, il n’en reste que cinq pour le PK, donc même pas deux lignes. En plus, on a un virus qui traine ces derniers temps dans le vestiaire et qui impacte pas mal de joueurs (pas le COVID19, NDLR). On espère que tout cela sera bientôt derrière nous, car cela impacte le niveau physique.

Depuis le début de saison il y a un point noir : c’est le powerplay. Avec un pourcentage un peu plus haut, on aurait pris beaucoup plus de points.

En tant que coach, as-tu une relation différente avec tes anciens coéquipiers ?
Non pas du tout, je ne fais pas de différence. J’ai passé le même message à tous, surtout concernant mon niveau d’exigence. Je ne suis pas une personne différente depuis que je suis coach. Par contre oui, je suis très exigent et pointilleux. Je dis aussi les choses de manière très directe, mais dans le seul but de faire progresser chaque personne.

Au niveau des lignes, les joueurs te font-ils part de leur souhait ?
Non, ça ne se fait pas vraiment. C’est mon boulot de trouver les bonnes combinaisons. Les joueurs ont assez à faire à se concentrer sur eux, leur jeu, leur physique.

Te bases-tu uniquement sur le style de jeu ou bien mettre deux Russes et un Letton ensemble, ça semble logique ?
Oui, on ne va pas se mentir, l’exemple que tu donnes ce sont trois joueurs qui s’entendent bien. Cela étant dit, Emils pourrait jouer avec n’importe qui. Les Russes ont un jeu qui leur est propre. Il faut leur laisser une certaine liberté par rapport à cela. Tant qu’ils s’intègrent dans le système de jeu de l’équipe, ça se passe bien. Parfois j’aimerais qu’ils jouent un peu plus direct, car ils cherchent toujours l’extra pass pour le beau jeu. Cela étant dit, je le savais, ils ne s’en cachaient pas d’ailleurs (voir notre interview d’Andrey cet été, NDLR). Parfois c’est clairement le bon jeu, si par exemple le gardien est très bien placé, mais d’autres fois j’aimerais bien un peu plus de lancers.

Pour finir, comment ça se passe avec les jeunes ?
Ça se passe plutôt bien. Les jeunes maintenant ils veulent toujours savoir pourquoi on fait les choses. Je pense que parfois il faut juste appliquer les choix du coach. Néanmoins, il n’y a vraiment pas de problème, ce sont de bons jeunes. Ils bossent, ils veulent progresser. De manière générale, il faudrait quand même réussir à changer la mentalité des jeunes français qui sont parfois trop dans le confort. Le fait qu’on doive avoir dix joueurs français sur la feuille de match leur offre une sécurité. A mon époque, cela n’existait pas et si tu voulais une place, il fallait te battre au même niveau que les étrangers. Une compétition s’installait naturellement. Ce qui fait aussi mal au hockey français, c’est que souvent ces jeunes sont les meilleurs de leur catégorie. Du coup, on a tendance à leur laisser des passe-droits. Ensuite, quand ils passent professionnels, la transition peut être difficile et frustrante pour le jeune. J’estime que tous les joueurs, même les meilleurs doivent être cadrés et repris quand ils font une erreur ou un mauvais choix. S’ils ne participent pas à la récupération du palet, il faut aussi le leur dire. Il faut remonter notre niveau d’exigence par rapport aux jeunes pour qu’ils grandissent.

Voilà pour cette fois, on se retrouvera plus tard dans la saison. Merci beaucoup Kevin.